Réaliser une fiche d’arrêt en droit : Comment faire ?

La fiche d’arrêt ou la fiche de jurisprudence est l’exercice de base que tout étudiant en droit se doit de maîtriser. Cet exercice peut être un peu déconcertant au début. Toutefois, avec un peu d’entrainement, il est assez facile de le maîtriser. Nous allons voir la méthode afin de réaliser une fiche d’arrêt en droit.

Dans cet article, la compréhension d’un arrêt, vous avez vu les éléments indispensables pour comprendre un arrêt. Comme je le dis souvent, il ne sert à rien de compliquer quelque chose qui est simple. La plupart des étudiants se font des nœuds dans la tête lorsqu’ils en viennent aux exercices juridiques. Ne compliquer pas ce qui est simple ! Comme disait Einstein ; « Rendez les choses aussi simples que possible, mais pas trop simples ! ».

Pour réaliser une fiche d’arrêt en droit , il vous suffit de suivre ces 5 étapes :

1 – Synthétiser les faits,
2 – Rappeler la procédure,
3 – Expliquer les thèses en présence,
4 – Définir votre problème de droit,
5 – Énoncer la solution de la Cour de cassation

Il vous faut suivre ni plus ni moins ces 5 étapes pour réaliser une fiche d’arrêt en droit. Les pré-requis avant de vous lancer dans la réalisation de vos fiches d’arrêt sont d’avoir un minimum de connaissances sur le thème de vos arrêts ou de votre plaquette de TD et savoir décortiquer et analyser un arrêt.

Un exercice simple que vous pouvez faire est de prendre vos stabilos de couleurs différentes ou des stylos de couleurs différentes et de vous amuser à stabiloter ou à souligner chaque partie de l’arrêt d’une couleur différente. De cette manière, vous apprendrez à distinguer les différentes parties d’un arrêt et il vous sera plus simple de réaliser une fiche d’arrêt en droit puisque vous en aurez compris la structure.

Comme c’est en forgeant que l’on devient forgeron, je vais avec vous réaliser une fiche d’arrêt en droit.

Observations préliminaires :

Ci-dessous, les faits sont soulignés en couleur bleu, les thèses en présence figurent en couleur orange et la solution de la Cour de cassation figure en couleur rouge. Ici l’arrêt est concis. La procédure et le moyen du pourvoi ne sont pas vraiment détaillés. Ce qui nécessite que vous ayez un minimum de connaissances sur le sujet pour expliciter la procédure (souvent Tribunal ou TGI, cour d’appel et Cour de cassation), la solution de la cour d’appel, la solution de la Cour de cassation et pour deviner que comme c’est un arrêt de cassation l’argumentation du pourvoi a de fortes chances d’être la solution de la Cour de cassation.

Je vais réaliser une fiche d’arrêt en droit concernant l’arrêt suivant :


Cass. Civ. 1er – 5 décembre 1995
Pourvoi n° 93-19874

Attendu que, selon les juges du fond, les consorts X… ont, par acte du 31 juillet 1986, consenti à Mme Y… une promesse unilatérale de cession de parts sociales d’un hôtel, la levée de l’option devant intervenir avant le 15 septembre 1989, et la réalisation de la vente, par paiement ou offre réelle du prix, avant le 1er octobre 1989, sous peine de déchéance du droit d’exiger cette réalisation, la promesse étant alors  » considérée comme nulle et non avenue  » ; que Mme Y… a levé l’option dans le délai prévu, mais n’a demandé la réalisation de la vente que le 31 octobre 1989, de sorte que les consorts X… ont demandé l’attribution de l’indemnité d’immobilisation de 325 000 francs par ailleurs stipulée ; que Mme Y… a de son côté demandé  » la résiliation ou la résolution  » de la convention ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident de Mme Y… : (sans intérêt) ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal des consorts X… :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter les consorts X… de leur demande en paiement de l’indemnité d’immobilisation, l’arrêt attaqué énonce que cette indemnité a été fixée en fonction du préjudice éventuel né de la nécessité pour les promettants de rechercher un autre acquéreur, préjudice dont il est établi que les consorts X… n’ont pas souffert puisqu’ils ont renoncé à la vente de leurs parts sociales ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’indemnité d’immobilisation, stipulée dans une promesse unilatérale de vente comme acquise au promettant en cas de défaut de réalisation de la vente constitue le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté les consorts X… de leur demande en paiement de l’indemnité d’immobilisation, l’arrêt rendu le 2 juillet 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.


Thème : Cassation – Promesse unilatérale de vente – Sort de l’indemnité d’immobilisation

1 – Faits

Le 31 juillet 1986, des associés d’une société exploitant un établissement hôtelier ont consenti une promesse unilatérale de cession des parts sociales leur appartenant au sein de cette société au profit d’un bénéficiaire. La promesse de cession de parts sociales conférait au bénéficiaire une option d’achat expirant le 15 septembre 1989 et prévoyait que la réalisation définitive de la vente devait intervenir, par paiement ou offre réelle du prix de vente, avant le 1er octobre 1989, sous peine de déchéance du droit d’exiger cette réalisation rendant la promesse nulle et non avenue.
Le bénéficiaire de la promesse a levé l’option d’achat dans les délais. Il n’a toutefois exigé la réalisation de la vente que le 31 octobre 1989, soit 30 jours après le délai de réalisation de la vente définitive stipulé dans la promesse de vente.

2 – Procédure

Le promettant a alors requis l’attribution à son profit de l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 325 000 francs. Le bénéficiaire a contesté le versement de cette indemnité en demandant la résiliation ou la résolution de la promesse unilatérale de cession de parts sociales. Le TGI a fait droit à la demande du promettant. Toutefois, le bénéficiaire a interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel qui a statué en sa faveur. En conséquence, le promettant a formé un pourvoi en cassation.

3 – Thèses en présence

L’arrêt attaqué considérait que l’indemnité d’immobilisation devait être versée en cas de préjudice éventuel né de la nécessité pour le promettant de rechercher un nouvel acquéreur. Le versement de l’indemnité d’immobilisation était donc conditionné à la preuve par le promettant du préjudice de devoir rechercher un nouvel acquéreur. Autrement dit, l’indemnité d’immobilisation avait pour fondement l’absence de vente du bien. Or au cas d’espèce, c’est le promettant qui avait renoncé à la vente définitive alors que le bénéficiaire désirait toujours acquérir le bien. Ce qui établissait qu’il ne subissait pas un préjudice (devoir rechercher un nouvel acquéreur) nécessitant une réparation (le montant de l’indemnité d’immobilisation).

4 – Problème de droit

Dans quel cas l’indemnité d’immobilisation stipulée dans une promesse de vente est-elle acquise au promettant ?

5 – Solution

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil en indiquant que l’indemnité d’immobilisation est acquise au promettant en cas de défaut de réalisation de la vente. Autrement dit, l’indemnité d’immobilisation stipulée au sein d’une promesse unilatérale de vente est le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse et non la réparation du préjudice de devoir rechercher un nouvel acquéreur. Elle est la rémunération de l’obligation de faire du promettant, c’est-à-dire, l’obligation de ne pas vendre à un autre acquéreur potentiel pendant un certain délai. L’indemnité d’immobilisation est donc acquise au promettant à défaut de réalisation de la vente à l’issue de ce délai.


Généralement, lorsque vous devez réaliser une fiche d’arrêt en droit, la fiche d’arrêt est au minimum ce que vos chargés de Tds attendront de vous ! Un seul bémol est que tout dépend de votre chargé de tds. C’est un peu l’aléa des études de droit ! Tout dépend des attentes de vos prof et de vos chargés de tds ! Par exemple, j’avais une chargée de Tds qui exigeait que nous fassions un mini commentaire de chaque fiche d’arrêt en lui expliquant le sens, la valeur et la portée. Or tous mes  autres camarades dans les autres groupes de Tds n’avaient pas à faire un mini commentaire de chaque fiche d’arrêt. Si vous êtes dans ce cas, il sera nécessaire en plus de la fiche d’arrêt ci-dessus d’expliquer rapidement le sens, la valeur et la portée de l’arrêt. Ici pour pouvoir définir le sens, il vous suffit de connaître le mécanisme de la promesse unilatérale de vente et la notion d’indemnité d’immobilisation. Pour connaître et expliquer la valeur et la portée de cet arrêt, il vous suffit de rechercher dans votre Code civil les arrêts antérieurs et postérieurs ou aller retaper le pourvoi de l’arrêt (93-19874) dans le doctrinal + ou sur le Dalloz ou sur Lexis Nexis. Vous trouverez assez facilement une ou deux notes de doctrine commentant cet arrêt.

Pour conclure, réaliser une fiche d’arrêt en droit n’est pas un exercice très compliqué. Il est juste nécessaire que vous ayez un minimum de connaissances sur le thème de l’arrêt (ici le mécanisme de la promesse de vente et la notion d’indemnité d’immobilisation), relire votre cours peut-être utile, et que vous sachiez décortiquer l’arrêt pour cibler les faits, la procédure, les thèses en présence et la solution de la Cour de cassation. Votre problème de droit ne découle que du nœud du litige défini en terme juridique et abstrait !

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3 réponses

  1. Butuli dit :

    Tu m’as beaucoup aidé et à vrai dire je me suis inspiré de ta fiche d’arrêt pour composer la mienne et oui les débuts des L1 lol ! merci beaucoup et continue ton travail il est super 🙂

  2. Georges dit :

    Merci beaucoup pour tes explications et ton travail ça m’a beaucoup aidé

  3. Royer dit :

    Cour de cassation, 2e chambre civile, 19 février 1997, arrêt Samda
    Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
    Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Christian X…, âgé de 16 ans, ayant causé des dommages à une automobile qu’il avait volée, M. Dumont, son propriétaire, a assigné en réparation Mme Y…, divorcée X…, ayant la garde de Christian et son assureur la MAAF ; que, Mme Y… a appelé en intervention M. X…, qui, lors des faits, hébergeait le mineur en vertu de son droit de visite, et son assureur, la SAMDA ;
    Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir retenu la responsabilité de M. X… sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, alors, selon le moyen, d’une part, que pour se prononcer sur la faute de surveillance qui a été imputée à M. X…, la cour d’appel devait s’expliquer, comme elle y était invitée par celui-ci, sur le fait que le mineur, âgé de 16 ans au moment du dommage, ne pouvait faire l’objet d’une surveillance constante de son père, auquel le mineur avait expliqué l’irrégularité de son emploi du temps par l’absence de ses professeurs à la fin de l’année scolaire ; qu’en se fondant uniquement, sans procéder à cette recherche, sur la connaissance qu’avait M. X… de la fréquentation  » plus ou moins régulière  » du collège par son fils, la cour d’appel a, en tout état de cause, privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ; d’autre part, que la cour d’appel, qui a reproché à M. X… d’avoir omis de s’assurer auprès du collège, de l’emploi du temps de son fils, devait nécessairement rechercher si l’irrégularité de l’emploi du temps scolaire du mineur ne traduisait pas une faute d’éducation de la mère chargée de la garde du mineur et à laquelle, seule, les éventuelles absences du mineur auraient pu être signalées ; que, faute d’avoir procédé à cette recherche, la cour d’appel a, plus subsidiairement encore, privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
    Mais attendu que, par motifs adoptés, l’arrêt retient que M. X… avait connaissance des absences plus ou moins régulières de son fils au collège, et que le vol ayant eu lieu un mardi, jour où Christian devait aller normalement au collège, il appartenait au père, sur lequel pèse le devoir de surveillance de son fils lors de l’exercice du droit de visite et d’hébergement, de s’assurer auprès du collège de l’emploi du temps du collégien ;
    Que de ces seules constatations et énonciations, la cour d’appel, sans avoir à procéder à d’autres recherches a exactement déduit que M. X… avait commis une faute de surveillance et légalement justifié sa décision de ce chef ;
    Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :
    Vu l’article 1384, alinéa 4, du Code civil ;
    Attendu que, pour mettre Mme Y… hors de cause, l’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que le jour des faits, l’enfant était en résidence chez son père et qu’il ne cohabitait pas avec sa mère ;
    Qu’en statuant ainsi, alors que l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui exerce sur lui le droit de garde, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
    PAR CES MOTIFS :
    CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a mis Mme Y… hors de cause, l’arrêt rendu le 9 mars 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

    quelqu’un peut e faire ?

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